"Il pleuvait ce jour-là" invite à entrer dans des pages peuplées de quintils échappés des « herbes couchées de l’habitude ».
De la terrasse mouillée
tu guettes le soleil
qui s’extraira bientôt des collines
c’est ici même
le rendez-vous n’est pas ailleurs.
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François de Cornière : J’aime quand un écrivain (poète, nouvelliste, romancier – peu importe) invite le lecteur à le suivre dans ses promenades, dans ses regards, ses pensées aussi. Avec IL PLEUVAIT CE JOUR-LÀ j’accompagne Jacques Vincent, parfois à côté de lui, épaule contre épaule, parfois légèrement en retrait, juste « derrière ». Je partage avec lui des moments fugitifs, je vois des détails que j’aperçois comme lui. Ou d’autres qu’il me révèle, alors que je serais peut-être passé à côté, sans les voir. Mais une fois écrits, ces moments ne s’effacent plus : ils durent.
Il y a eu le titre qui m’a tout de suite parlé (nous sommes de la même mer tous les deux, même si en Bretagne, comme chacun sait, il ne pleut jamais). Il y a aussi le sous-titre qui me plaît et me fait sourire : on peut changer le f d’infime en t d’intime, ce n’est pas une coquille ( !) c’est la vérité. Dans les deux cas on garde le même cap, ouvert sur la vie de tous les jours…si on sait voir et l’écrire bien.
Jacques Vincent a le regard d’un photographe (on pourrait dire aussi celui d’un peintre plutôt maître dans l’art du croquis) ou d’un cinéaste qui pratique l’art de l’arrêt sur l’image, hop, sans insister. C’est capter le bon moment, celui qui touche. Et voilà !
Jacques Vincent emploie les mots « Plan », « Séquence », « Photo », « Dessin », «Photographe », « Cinéma » etc. Il partage avec moi, lecteur, des petites scènes de vie, le temps de 5 vers = des quintils. Il y a des gens qui passent, des femmes, des hommes, des enfants, des couples. Des plantes, des arbres, des animaux, des bestioles d’ici ou d’ailleurs. Des rues avec leurs noms, des écrivains (réunis parfois dans une photo rêvée !), des prénoms d’inconnus, des titres de poèmes qui comptent. Tellement de petites-grandes choses qui font l’histoire d’un homme.
Donc, tout est extrêmement simple dans les quintils de Jacques Vincent : des mots directs et des pensées profondes. Dans un poème il évoque la chambre d’enfance. Et là, il parle à l’oreille, à mon oreille en tout cas : " Des pas dans la rue / des volets qu’on tire / ombres mouvantes sur le plafond de la chambre/ de grandes questions sous les paupières/ sans mots pour les énoncer."
C’est cette infime intimité qui me touche. Dans ce poème comme dans tant d’autres. Oui, les « grandes questions sous les paupières ». Même quand on a les yeux ouverts, avec une légère dose d’humour. Jacques Vincent les a maintenant les mots pour les énoncer. Les énoncer simplement, dans des poèmes. Et ce n’est pas facile d’être aussi juste.
Rien que cinq vers (4 + 1 détaché des précédents). Une leçon qui mérite qu’on s’y arrête. Qu’on se dise « on va essayer de faire pareil » ! Alors on regarde autour de soi, on prend son temps, l’œil prêt à découvrir on ne sait pas encore quoi… Ensuite, on essaie quelques mots, toujours avec la gomme en main… Vous verrez, c’est là que ça commence. Et c’est là que je recopie ce dernier vers du quintil intitulé « Absence » ((p. 24) : " je laisse sur le seuil trois points de suspension ".
Et j’ajoute, pour finir, cet autre cinquième vers d’un quintil, comme un clin d’œil, ici-même : "le rendez-vous n’est pas ailleurs".
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Du même auteur
• “Le parti-pris des songes”, in extenso dans l'anthologie annuelle de Tarabuste, (2022)
• “Les passagers”, éditions Folle Avoine (2020)
• “La gazelle de Thomson”, éditions RAZ (2019)
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Il pleuvait ce jour-là, récits infimes
• Format : 15 x 21
• Pages : 56
• ISBN 978-2-35128-205-2
10.00 €