Le désir de faire un nouveau livre en commun et celui de célébrer
« l’art des nuages » ont coïncidé : il n’a pas fallu nous concerter
davantage pour nous mettre à l’œuvre, chacun de son côté.
Poèmes et peintures, le moment venu, se sont d’eux-mêmes associés.
Nous n’avons pas été surpris d’apprendre que Monet, dans ses
derniers jours, relisait encore Baudelaire, « les merveilleux nuages ».
P.D. et C.F-R.
_____________________
Pierre Dhainaut et Caroline François-Rubino, qui depuis longtemps aiment
travailler ensemble, ont publié chez Voix d’encre "Paysage de genèse" (2017).
Pierre Dhainaut a également fait paraître aux mêmes éditions "Au dehors,
le secret" (avec Marie Alloy, 2005) et Caroline François-Rubino
"Boire à la source" et "Le dernier cerisier" (avec John Taylor, 2016 et 2019).
_____________________
• Note de lecture de Judith Chavanne, parue dans la revue EUROPE, n° 1135-1136 de nov./déc. 2023
L’art des nuages est un livre de dialogue et d’échanges entre deux artistes, entre deux expressions, entre deux regards ou visions. Ni les poèmes n’ont précédé les encres de ce recueil, ni l’inverse. Une peintre, un poète travaillent ensemble bien qu’à plusieurs centaines de kilomètres de distance, reliés par l’objet de leur attention et parce que le monde est un – « Un seul monde / en ce monde » – et que la fluidité des nuages nous en convainc. Ensuite a lieu la composition, la mise en regard grâce à l’« écoute » des haïkus de Pierre Dhainaut, des encres de Caroline François-Rubino. L’ensemble constitue une suite cohérente et fluide en même temps.
Et comme ce que l’on contemple influe sur notre être, les nuages proposent bientôt à l’observateur et au lecteur un « art » de se tenir au monde, ou plutôt, peut-être, un art de ne pas se tenir si ce verbe induit une position figée — un art de se renouveler en épousant un mouvement perpétuel : « les nuages / se rassemblent, se délient, s’épanouissent, ainsi de suite. »
À contempler les nuages, notre appréhension du réel fatalement se modifie en effet ; les contraires y sont abolis, le silence et la parole ne sont que les faces ou les « côté(s) » d’une même réalité, l’obscurité et la lumière échangent leurs valeurs :
Obscure la lumière,
lumineux l’obscur,
dans les nuages.
Il n’est pas en particulier d’opposition entre le fait de passer ou de demeurer, entre la durée et la brièveté ; il n’est que changement de « permanence ». La contradiction n’existe plus si on considère la vie en s’inspirant des nuages. Le possible (« peut-être ») est le principe (« la certitude ») car les nuages « disent peut-être / en toute certitude ».
Les nuages apprennent ainsi à se déprendre, d’abord comme écrivain :
Merci aux nuages,
sur eux l’écriture
a perdu prise.
Mais c’est à l’homme aussi que les nuages enseignent une forme de dépouillement ; ils révèlent que nous ne bâtissons que pour, non pas détruire, mais dissoudre — « ne pas (…) garder ».
La leçon est très orientale : au centre, « les courants d’air », une forme de vide médian, le vent « fidèle ».
Aux poèmes, les encres de Caroline François-Rubino ne fournissent donc pas une illustration, pas une réplique, mais un écho.
Sur la page aussi les contraires confondent leurs polarités. Il arrive que le gris se fasse lumière, duquel on reçoit le même éblouissement que de l’azur, tandis que le blanc des nuages s’étend sur le gris comme une aile de plumes, belle mais plus terne.
Par des aplats ou des touches plus rondes, par la transparence ou l’épaisseur, les encres de Caroline François-Rubino rappellent que le ciel est à la terre un double ; ses nuages tour à tour paraissent un jardin et son remous de fleurs, une marée sur le sable, des monts et des prairies. Ils ont le relief des cratères, le duvet d’ailes immenses et nombreuses.
Sous le regard de la peintre, les nuages se métamorphosent. Le réel en est-t-il trahi ? Le poète répond que non, que c’est peindre au contraire dans l’esprit des nuages, dans leur sillage : « Les voir, les inventer, / pas de différence / aux yeux des nuages. »
______________
Note de lecture de Sabine Dewulf sur le site Poesibao :
https://www.poesibao.fr/pierre-dhainaut-lart-des-nuages-lu-par-sabine-dewulf/
Note de lecture de Caroline Meunier sur le site Terres de femmes :
_____________________
"Pendant ce temps-là, nos nuages voyagent, ce sont des nuages bienveillants."
Extrait d'une lettre de Pierre Dhainaut à Alain Blanc
• 35 encres de Caroline François-Rubino
• Format à l'italienne 21 x 15 cm
• Pages : 80
• ISBN 978-2-35128-204-5
19.00 €