Corps du sujet

L’émotion poétique veut se transmettre intégralement. La réussite est à ce prix pour célébrer les nouvelles noces de la réalité et de l’abstraction qui nous soulèvent tour à tour. Le sommeil, le rêve, l’inconscient, donnent droit de passage à la poésie à travers terreurs, angoisse et plaisir. Le sens, de la sensation à la signification, est un chemin difficile à gravir, messager d’une émotion particulière qui ne peut se fondre ni se confondre avec une autre. Long et lumineux cheminement intérieur. Ascèse qui redonne une chance à chacun de rajeunir son langage, transcendé par l’émotion d’être vivant.

Écouter, recevoir des mots, sans négoce ni utilité, s’offrir une rencontre chanceuse entre mots et objets, simple désir d’être enfin soi-même. Voir les objets tels qu’ils sont et non plus tels que je suis pressé de les voir. Dans le très court enclos que nous ne quittons jamais : cœur, corps, temps, espace, les autres, la fable et l’écriture, c’est le monde en son entier qui nous traverse de son tissage et nous abandonne quelques fils que nous essayons d’écrire. Oubliant la matière dont nous sommes faits, dans ce siècle naissant, il serait tragique que nous soyons empêchés de retrouver Socrate au fond de la caverne. Franck CASTAGNÉ